Il y a dans la présence d’une baleine quelque chose d’apaisant, une forme de puissance tranquille qui traverse l’eau sans chercher à impressionner. Elle avance, immense et silencieuse, comme si elle portait en elle la mémoire du monde. Elle ne prouve rien, elle ne force rien, elle ne s’excuse pas d’exister. Elle est juste elle.
Et déjà, là, elle nous remet face à quelque chose que nous avons oublié.
Nous autres humains, nous sommes nés avec une âme d’enfant qui savait encore s’émerveiller. Puis nous nous sommes recouverts de couches successives : les croyances familiales et culturelles, les programmations subtiles du cerveau, les peurs, les masques… et ce que nous appelons “grandir” ressemble parfois à un immense effort pour exister au travers de ce qui n’est pas nous.
Alors nous avançons, souvent la respiration déstructurée, habités par des héritages, tentant de tenir droit dans un courant qui n’est pas le nôtre.
Et un jour, pour peu qu’on écoute, quelque chose en nous réclame un retour à la source : retrouver notre souffle, notre feu sacré, ce qui nous anime, cette manière de ressentir le monde avant de le comprendre.
C’est là que la baleine devient un symbole aussi puissant. Elle n’a jamais oublié qui elle est. Ses profondeurs ne lui font pas peur ; elles la nourrissent. Elle plonge dans des zones où la lumière ne vient plus, sans y voir une menace, simplement un espace nécessaire. Nous fuyons nos profondeurs parce qu’elles remuent, elles nous renvoient à nos fragilités, à nos histoires, à des parts de nous que nous préférerions laisser dormir. Pourtant c’est là que se trouvent nos ressources, nos vérités, nos transformations possibles. La baleine nous montre que descendre n’est pas couler ; c’est comprendre. C’est toucher ce qui fait de nous un être entier. C’est accepter d’explorer ce que nous avons toujours tenté de contourner.
Puis elle remonte. Elle perce la surface, libère un souffle puissant, comme un rappel que revenir à la lumière fait partie du cycle. Nous faisons la même chose, lorsque, après avoir traversé nos mémoires, nos peurs, nos couches anciennes, nous retrouvons un espace plus vaste, un souffle plus ample, une clarté nouvelle. La baleine nous enseigne qu’il n’y a rien à brusquer. Elle avance lentement, avec un rythme qui n’appartient qu’à elle, insensible à la pression de nager plus vite ou de ressembler aux autres. Dans un monde où nous courons constamment après quelque chose, elle incarne la liberté de n’aller qu’à l’essentiel.
Son chant, lui, traverse des kilomètres entiers sans jamais avoir besoin d’être fort. Il résonne là où il doit être entendu. Et ceux qui l’écoutent en sont transformés. Peut-être est-ce une invitation pour nous à parler moins fort, mais plus juste. Peut-être exprimer ce que nous sommes, sans chercher l’approbation, sans performer, sans se réduire, mais plutôt à vibrer au lieu de convaincre.
Ce que la baleine nous murmure, finalement, c’est que notre nature profonde n’est jamais perdue. Elle est simplement enfouie sous des couches que nous avons intégrées pour survivre, plaire, ne pas être rejeté, abandonné.
Retrouver notre âme d’enfant, notre feu sacré, ce n’est pas un caprice spirituel : c’est un retour à l’essentiel. C’est enlever ce qui encombre, pour respirer, laisser s’expanser notre être. C’est arrêter de se fabriquer un personnage, pour retrouver son être. C’est cesser de retenir notre souffle pour réapprendre à vivre en étant nous-mêmes autant que possible.
Et alors, quelque part au milieu de nos propres marées intérieures, nous retrouvons profondeur dont le but premier n’est pas d’être vue mais juste d’ÊTRE et de rayonner pour apporter du mieux-être en soi et autour de soi.